Jeûner ou ne pas jeûner : Quels sont les risques du jeûne ?

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Le jeûne sous diverses formes attire beaucoup l’attention des médias. 

Ses partisans, avec des degrés divers d’expertise et de formation médicale, prétendent que c’est un moyen facile d’accélérer la perte de poids et d’entrer en cétose , et que l’on peut considérer comme sûr de se passer de toute surveillance médicale. Nous ne sommes pas d’accord. Si l’on examine les données scientifiques publiées, et en particulier l’innocuité et l’efficacité à long terme du jeûne, il y a un certain nombre de raisons de s’inquiéter de cette approche pour la perte de poids et le bon fonctionnement du métabolisme.

Article publié par Virta Health aux USA, rédigé par les Docteurs : Jeff Volek & Stephen Phinney et publié le 5 décembre 2017. Vous pouvez retrouver l’article original en cliquant ici. Traduction avec l’aimable autorisation de Virta Health pour et par EatFat2BeFit.com.

Définir les différentes formes de jeûne

  • Jeûne sur une partie de la journée. Sauter de temps en temps un ou deux repas par jour, évitant ainsi un apport calorique pour des périodes allant de 18 heures (par exemple, sans petit-déjeuner) à 24 heures (sans petit-déjeuner ni déjeuner). Une autre version consiste à ne pas manger durant la journée, comme cela se pratique pendant le mois du Ramadan chez les Musulmans.
  • Jeûne d’une journée. Pas de nourriture ni de calories du soir du jour #1 au matin du jour #3 – soit un intervalle de 36 heures.
  • Jeûne de plusieurs jours. Pas de nourriture ou de calories durant 48 heures ou plus.
  • Jeûne intermittent 5 : 2. 2 jours par semaine limités à 500-600 kcal par jour, consécutifs ou séparés par un ou plusieurs jours de repas sans restriction.

En bref, tout régime impliquant un jeûne de plus de 24 heures ne s’est pas avéré efficace pour soutenir la perte de poids à long terme. Bien que cela puisse temporairement accélérer la perte de poids, cela a un prix à long terme. Après seulement un jour de jeûne, vous commencez à perdre des protéines de votre corps provenant de tissus maigres, tels que les muscles, le cœur, le foie et les reins. Ces organes et leurs fonctions sont des choses que nous voulons préserver et qu’il ne faut certainement pas imaginer pouvoir abandonner sans conséquence. Ainsi, bien que vous puissiez perdre du poids sur la balance, une partie de cette perte se fera au détriment de vos tissus importants et métaboliquement actifs.

« C’est pourquoi nous faisons la distinction entre la « cétose nutritionnelle » et la « cétose grâce au jeûne » dans nos livres et nos présentations. Lorsqu’elle est correctement effectuée, la cétose nutritionnelle est obtenue tout en maintenant l’intégrité des protéines et le fonctionnement de ces tissus maigres. En revanche, la cétose à jeun réduit votre métabolisme au repos, votre force et vos fonctions corporelles. »

Oui, le corps humain est équipé pour survivre au jeûne, pendant des jours, des semaines, voire un mois ou deux. C’est ainsi que nous, les humains, avons évolué pour survivre aux maladies ou à la famine. Mais pour chaque période de 24 heures pendant laquelle nous jeûnons, après le premier jour, nous avons besoin de 2 à 3 jours de consommation alimentaire optimale pour récupérer ce que nous avons perdu. Ainsi, alors qu’une personne pourrait théoriquement faire un jeûne total deux jours par semaine tout en parvenant à récupérer entre temps, où est la science prouvant qu’il est possible de reconstituer ce tissu maigre et un taux métabolique normal sans trop manger pendant ces jours de rattrapage ? La réponse est qu’aujourd’hui personne n’a publié l’étude montrant qu’il est sûr de le faire durant des mois d’affilée.

L’autre problème de sécurité évident lié au jeûne, qu’il soit intermittent ou prolongé, concerne ses effets sur les besoins en médicaments pour gérer un diabète, des maladies cardiaques ou l’hypertension artérielle, ainsi que d’éventuels anticoagulants. Pour les personnes atteintes de diabète de type 2 en particulier, les besoins en médicaments pour un contrôle adéquat de la glycémie sont considérablement réduits dès le premier ou les deux premiers jours de jeûne ou de restriction de glucides, ce qui rend obligatoire une surveillance médicale étroite. Mais ces médicaments doivent être rapidement repris lors de la réintroduction de glucides alimentaires. Faire cela à plusieurs reprises de manière intermittente engendre un risque important d’hypoglycémie aiguë ou d’hyperglycémie. De même, la pression artérielle est souvent nettement réduite au cours des premiers jours de jeûne, ce qui nécessite des ajustements rapides similaires de la médication, dans un sens puis dans l’autre.

Enfin, depuis près d’un siècle, on sait que les personnes sauvées de la famine (famine dans le sens survie dans un canot de sauvetage ou un camp de concentration, par exemple) risquent une mort subite si on leur donne soudainement beaucoup de nourriture. Ce phénomène a un nom médical officiel : « le syndrome de réalimentation ». La solution est une réalimentation contrôlée sous la supervision d’un expert. Pour la plupart des gens qui sont bien nourris avant de jeûner (par choix ou non), il faut au moins une semaine ou deux de jeûne pour que le syndrome de réalimentation puisse poser un risque. Mais des régimes antérieurs, un jeûne précédent, l’âge et la maladie peuvent réduire cet intervalle avant lequel le risque de mort subite ne commence.

Alors, où se situe le point de bascule à partir duquel la durée d’un jeûne devient contre-productive ?

La réponse est simple : « Cela dépend ». Si vous êtes diabétique et que vous prenez un médicament comme l’insuline, la réduction ou l’arrêt de votre consommation de glucides pendant une seule journée modifiera considérablement vos besoins en médicaments pour cette journée. En retour, comme un boomerang, cela modifiera votre réponse à vos médicaments lorsque vous rajouterez des glucides à votre alimentation, déclenchant des montagnes russes côté glycémie. Si vous avez un travail physiquement exigeant, le deuxième jour de jeûne, vous risquez de vous heurter « au mur », ce qui se traduira par une réduction spectaculaire de votre performance physique et mentale. Si vous avez déjà des niveaux trop bas de minéraux importants tels que le potassium et le magnésium – problèmes courants chez les diabétiques ou les personnes prenant des médicaments diurétiques – comment allez-vous compenser les pertes de ces minéraux qui persistent ou s’accélèrent les jours où vous ne mangez pas ?

Nous savons qu’un régime cétogène bien formulé soutient (sinon améliore) la santé et les fonctions essentielles d’une personne, à la fois lors de la perte de poids et aussi lors de la stabilisation de ce poids. Un attribut clé du régime cétogène bien formulé est qu’il préserve les tissus maigres et les minéraux essentiels au quotidien, sans générer de déficit nécessitant un rattrapage. Oui, il est vrai que l’on peut perdre du poids plus rapidement avec le jeûne total ou avec des régimes hypocaloriques, mais aucun de ces régimes n’est durable. Vu sous l’angle de votre santé et de vos fonctions essentielles sur plusieurs mois ou années, pourquoi prendre ce risque ?

Les détails scientifiques

Commençons par quelques images d’une ancienne recherche sur les humains, mais toujours d’actualité. Voici ce que le jeûne fait aux tissus maigres :

Figure 1 : Modifications de l’excrétion d’azote dans l’urine chez les sujets maigres et obèses au début de la famine

Figure 2 : Déclin de l’azote corporel et du poids corporel (les deux en pourcentage de la valeur initiale) pendant le jeûne

Sur la figure 1, la perte d’azote (« N », c’est-à-dire les protéines) débute dès le premier jour, atteignant son maximum le troisième jour, puis diminuant lentement. Les pertes sont indiquées en grammes d’azote par jour, chacun de ces grammes représentant une perte d’environ 28 grammes de tissu maigre. Ces résultats ont été validés dans de nombreuses études sur l’homme[1].

La figure 2 montre la perte à long terme d’azote corporel (c’est-à-dire de protéines) en pourcentage de la valeur d’une personne avant le jeûne. Notez que ces pertes ralentissent légèrement après les 10 premiers jours, mais ne s’arrêtent jamais.

« Traduction : les adultes en surpoids en bonne santé perdent, lors d’un jeûne total, 2,2 kg de tissu maigre au bout de 10 jours et 4,5 kg après 30 jours. »

Et ceci illustre ce que le jeûne prolongé au-delà de 2-3 jours produit sur le taux métabolique au repos (REE), qui, lorsqu’il est mesuré le matin avant l’activité ou le repas, est appelé dépense énergétique basale (BEE).

Figure 3 : Modifications du métabolisme de base avec privation de nourriture à court et à long terme

Cette étude ancienne a montré une réduction de 15% du métabolisme de base (métabolisme au repos) après 10 jours de jeûne et de 25% après 30 jours. Loin d’être réfutées par des méthodes de recherche plus modernes, ces observations originales ont été maintes fois confirmées dans la littérature médicale publiée.

Oui, il existe des preuves d’une légère augmentation transitoire du REE de 1 à 3 jours lorsque les sujets maigres commencent à jeûner complètement[2], ce qui est causé par une augmentation de la noradrénaline sérique – une réaction de stress au début du jeûne[3]. Mais le REE chute ensuite et reste en dessous de la ligne de base de départ après le troisième jour[4] [5] [6].

Les détails scientifiques du jeûne et du métabolisme des protéines

La réponse métabolique humaine au jeûne a joué un rôle essentiel dans notre survie au cours des derniers millions d’années. Un adulte suffisamment nourri peut survivre pendant 60 jours ou plus sans nourriture s’il reçoit suffisamment d’eau et de sodium. Mais le prix du jeûne total (c’est-à-dire sans protéines ni calories consommées) est littéralement payé par des kilos de masse maigre perdus.

Comme nous l’avons vu plus haut, la dégradation nette des protéines commence dès le premier jour de jeûne, et atteint son taux maximal en 2 à 3 jours – généralement 450 g de tissu maigre perdu par jour – puis diminue lentement pour atteindre “seulement” 110 g par jour après 4 à 5 semaines. Il est également bien établi que le tissu adipeux excédentaire fait peu pour protéger le corps de ce modèle et du taux de catabolisme des tissus maigres. Oui, il est vrai qu’il a été prouvé que certaines personnes gravement obèses ont survécu à des jeûnes de plus de 60 jours, mais seulement parce que leur obésité extrême était également associée à une masse corporelle maigre (LBM) plus importante au départ.

Il est également intéressant de souligner que les gens ne transportent pas de réserves de protéines « supplémentaires » en réserve inactives (qui attendraient sagement en remplacement pour le jour où nous ne mangerions pas assez de protéines). Toutes les protéines du corps humain ont une fonction en temps réel, qu’il s’agisse des muscles, du tissu conjonctif, des globules rouges, du cerveau ou des anticorps. Ainsi, chaque fois que le corps perd des protéines, il perd une partie de sa réserve fonctionnelle. La quantité de « réserve fonctionnelle » que chacun de nous possède (c’est-à-dire la quantité de protéines que nous pouvons perdre avant que notre survie soit menacée) est très variable. Par exemple, certaines personnes très obèses développent des muscles supplémentaires pour pouvoir supporter leur poids. Mais en moyenne, quand une personne perd un tiers de sa masse corporelle maigre (LBM) initiale, elle est fonctionnellement affaiblie. Et lorsqu’elle perd 50% de cette masse normale, toute perte supplémentaire de protéines est fatale.

Toutes ces observations ont été largement appuyées par des études effectuées entre 1910 et 1980. L’expérience du Minnesota sur les objecteurs de conscience emprisonnés au cours de la Seconde Guerre mondiale (the Biology of Human Starvation, Univ MN Press, 1950[7]) et du groupe de George Cahill dans les années 1960 est particulièrement pertinente[8]. À la suite de cela, il y a eu une période active de recherche sur le « jeûne supplémenté » dans les années 1970, notamment des études démontrant la préservation de la masse maigre et des performances physiques avec des régimes cétogènes bien formulés.

Tenant compte du fait qu’il faut au moins 4 semaines pour que la majeure partie de l’ adaptation du corps à la restriction énergie / glucides se produise, les 4 études suivantes fournissent des informations utiles sur l’apport en protéines et la préservation de la masse maigre, des performances et du taux métabolique au cours de la cétose nutritionnelle et le jeûne total.

  1. Rabast et al, 1981[9]

Le jeûne total a été comparé à un régime alimentaire hypocalorique de 300 kcal / jour fournissant 56 g de protéines et 12 g de glucides à 14 patients obèses en bonne santé, repartis par paires, sur une période de 28 jours. La perte de poids fut significativement plus importante lors du jeûne que lors du régime hypocalorique VLCD (16,5 kg contre 12,7 kg). Le taux métabolique de base a montré une diminution significative (25%) au cours du jeûne total, mais est resté inchangé avec le régime hypocalorique VLCD. Avec les deux régimes, il n’y avait pas de changement significatif des hormones thyroïdiennes T4 ou de la TSH, mais T3 diminuait avec une augmentation transitoire de rT3. L’équilibre d’azote a été atteint chez cinq des sept patients sous régime hypocalorique VLCD après quatre semaines, mais chez aucun des patients en jeûne total.

  1. Marliss, NEJM, 1978[10]

Les sujets obèses ont suivi trois protocoles différents :

  1. Un jeûne supplémenté apportant 82 grammes de protéines à raison de 400 kcal par jour pendant 21 jours. Malgré ce niveau d’apport en protéines, des pertes de tissus maigres sont survenues rapidement et ont persisté pendant 2 semaines, après quoi le « bilan azoté » (c.-à-d. aucune autre perte de masse corporelle maigre) a été rétabli. Exprimé en grammes de protéines par kg de poids de référence, cet apport en protéines représentait 1,2 g/kg par jour.
  2. Un jeûne supplémenté fournissant 82 grammes de protéines à raison de 400 kcal par jour pendant 7 jours, suivi de 14 jours de réduction continue des protéines/calories jusqu’à atteindre 41 g de protéines (200 kcal)/j au 21e jour. Comme ci-dessus (a), le bilan azoté a été également négatif pendant les 7 premiers jours, après quoi la réduction progressive de la teneur en protéines a entraîné une perte continue de tissu maigre jusqu’au 21e jour. En d’autres termes, même 21 jours de céto-adaptation n’ont pas permis la préservation des tissus maigres à un apport de 41 g/j de protéines.
  3. 21 à 28 jours de jeûne total, suivis de 7 jours de jeûne supplémenté fournissant quotidiennement 92 grammes de protéines soit 400 kcal. Comme on pouvait s’y attendre, les pertes de tissu maigre ont été rapides pendant la phase de famine (> 450 g / jour), mais ont ensuite basculé vers un gain de tissu maigre de 110g / jour lorsque l’apport en protéines a été repris. Cependant, dans cette situation, il est important de noter que la récupération de la masse corporelle maigre s’est produite à moins de la moitié de son taux de perte pendant le jeûne total.
  1. Phinney JCI 1980[11]et Phinney Metabolism 1983[12]

Dans ces 2 études, 6 sujets obèses non entraînés et 5 coureurs cyclistes hautement entrainés ont été testés au départ pour évaluer leur forme physique et leur endurance, puis ont reçu 1,2 à 1,75 g de protéines par kg de poids de référence pendant 4 à 6 semaines d’un régime cétogène. Dans cette plage d’apport en protéines, il n’y a pas eu de perte mesurable de puissance aérobie maximale (VO2 max) ni de baisse de performance en endurance jusqu’à l’épuisement. En d’autres termes, un apport en protéines adéquat dans le cadre d’un régime cétogène bien formulé peut rapidement et efficacement rétablir les fonctions normales des tissus maigres. Et chez les 5 coureurs cyclistes, les mesures quotidiennes de l’apport en protéines et de l’excrétion d’azote ont confirmé que la masse maigre était effectivement maintenue pendant les 4 semaines du régime cétogène à 1,75g de protéines par kg et par jour.

  1. Davis et Phinney Int J Ob 1990[13]

Dix femmes obèses ont été randomisées pour suivre un régime cétogène très bas en calories fournissant soit 1,2 soit 1,5 g de protéines par kg de poids de référence pendant 4 mois. Les pertes de poids ont atteint en moyenne 17 kg. Comparativement aux valeurs initiales, la VO2 max et la force maximale du quadriceps ont diminué avec la dose de protéine de 1,2 g / kg, alors que ces deux fonctions ont été préservées avec celle à 1,5 g / kg.

Le jeûne intermittent

Étant donné la popularité actuelle du jeûne intermittent (Intermittent Fasting ou IF), on pourrait supposer que des études bien conçues ont été publiées pour démontrer que sa pratique ne nuit pas à la préservation ou au fonctionnement des tissus maigres chez l’homme. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Oui, il existe de nombreuses études publiées sur le « jeûne intermittent », défini comme ne pas manger du matin jusqu’au début de la soirée tous les deux jours ou ne pas manger de protéines jusqu’au repas du soir. Il existe également quelques études sur des personnes mangeant 75% en moins ou jeûnant totalement tous les deux jours ou dans une fréquence de 5 jours : 2 jours. Les pertes de poids se situent généralement entre 2% et 5%, mais se stabilisent rapidement. Avec cette perte de poids, les mesures précises de la composition corporelle sont problématiques, de sorte qu’il manque de bonnes données sur les modifications de la masse corporelle maigre. Néanmoins, les données publiées ne soulèvent pas d’inquiétudes majeures chez les personnes pratiquant le jeûne pendant une partie de la journée, même selon un horaire assez régulier.

Étant donné que les gens qui jeûnent par intermittence mangent beaucoup moins que ce dont ils ont besoin quelques jours par semaine, il faut donc se demander pourquoi cessent-ils de perdre du poids aussi rapidement. Une réponse peut être trouvée dans l’étude[14] de Heilbron, dans laquelle des sujets pratiquant le jeûne tous les deux jours ont signalé une faim accrue et prolongée tout au long de cette étude de 22 jours.

Mais de nombreuses personnes qui pratiquent le jeûne intermittent ne mangent rien ou aucune protéine pendant plus d’une journée. D’après les données scientifiques publiées, c’est là que les risques pour la santé commencent, même si les partisans du jeûne nient ou ignorent cette information. Plus important encore, lorsque les gens choisissent de jeûner pendant plusieurs jours à la fois, ces risques augmentent rapidement en raison des pertes en protéines et en minéraux essentiels. Et les affirmations selon lesquelles le corps humain peut conserver efficacement ses tissus maigres et maintenir son taux de métabolisme au repos pendant de nombreux jours de jeûne total semblent fondées sur une idéologie et non sur de solides données scientifiques.

Il y a d’autres raisons pour lesquelles les gens jeûnent outre celle de la perte de poids. L’augmentation des niveaux de corps cétoniques dans le sang est de plus en plus associée à une réduction du vieillissement et du stress oxydatif dans les études sur les animaux. De nombreux rapports font également état de restrictions énergétiques réduisant la croissance du cancer chez les animaux, mais cet avantage n’est pas toujours observé avec le jeûne intermittent chez les animaux, ce qui implique que l’avantage provient d’une restriction constante plutôt qu’une restriction intermittente. Et les premières données sur le jeûne intermittent et même le régime cétogène chez les humains atteints de cancer ne sont pas unanimes.

Masse corporelle maigre et dépense énergétique

Il existe une abondante littérature sur la récupération des tissus maigres et de leurs fonctions à la suite d’une restriction énergétique ou une privation de protéines. Dans l’expérience du Minnesota pendant la Seconde Guerre mondiale, par exemple, des hommes maigres et en bonne santé qui ont été nourris de « demi-rations » (1600 kcal et 50 g de protéines par jour) pendant 6 mois, ont perdu 1/3 de leur masse corporelle maigre, les laissant fonctionnellement affaiblis. Une fois qu’ils ont commencé à se nourrir avec suffisamment de protéines et d’énergie, il leur a fallu plus de quatre mois pour se rapprocher de leur niveau de force et de fonctions initiales, et ce faisant, ils ont gagné un excès de graisse corporelle.

Outre l’étude Marliss citée ci-dessus, de nombreuses études chez l’homme démontrent que la vitesse maximale à laquelle une personne privée de protéines peut récupérer la masse maigre perdue est de 110 g par jour (soit un bilan azoté positif de 4 g / jour). Donc, si un jour de jeûne total entraîne la perte de 225 g à 450 g de masse maigre/jour (en fonction du niveau de céto-adaptation), il faut au moins 2 à 4 jours d’alimentation complète avec des protéines et de l’énergie pour récupérer la perte de tissu maigre d’un seul jour. Et comme l’expérience du Minnesota et bien d’autres l’ont montré, cette récupération des tissus maigres perdus se produit généralement avec un gain de graisse corporelle supplémentaire.

Qu’est-ce que cela signifie vraiment ? Oui, le jeûne total peut provoquer une perte de poids rapide, mais en général, cela provient pour moitié ou plus du tissu maigre. Et surtout, en fonction des quantités de protéines et d’énergie consommées après une période de jeûne, le taux de récupération des tissus maigres sera probablement plus lent que celui auquel ils ont été perdus. Pour être direct, dans la réalité, la récupération des tissus maigres après un jeûne total prend beaucoup plus de temps que la période de jeûne elle-même.

Enfin, il y a l’impact du jeûne sur le métabolisme au repos (métabolisme de base). Considérez que votre métabolisme est contrôlé par deux facteurs distincts : (1) votre « thermostat » et (2) la taille de votre « four ». La quantité de tissu maigre que vous avez est un facteur déterminant de votre taux métabolique au repos. Interprétation : votre masse musculaire totale correspond à la taille de votre four – plus vous avez de muscle, plus vous pouvez brûler d’énergie rapidement. Mais votre corps possède également un « thermostat » précisément réglé qui détermine la quantité d’énergie consommée par votre « four ». Tout ceci est régulé par la combinaison de la production active d’hormone thyroïdienne (T3) et de la sensibilité des tissus à l’hormone thyroïdienne.

Nous savons, d’après de nombreuses études chez l’homme, que lorsque les gens sont soumis à une famine aiguë, le métabolisme au repos chute d’environ 15% au cours des 10 premiers jours – c’est-à-dire bien avant que 15% du tissu maigre ne soit perdu. En d’autres termes, « le thermostat » est baissé bien avant que « le four » ne devienne plus petit. Toutefois, lorsque les glucides alimentaires sont limités, mais que la quantité de protéines fournie est suffisante, la « baisse du thermostat » (mesurée par le taux métabolique au repos) est bien moindre et « la taille du four » est maintenue. Ainsi, alors que le jeûne, au-delà du premier jour ou des deux premiers jours, fait payer un prix élevé en termes de dépense énergétique métabolique (thermostat + four), un mode de vie cétogène bien formulé ne le fait pas.

Syndrome de réalimentation

Ce problème souvent fatal est connu depuis la Seconde Guerre mondiale, lorsque des personnes sauvées souffrant de famine aiguë ou chronique ont soudainement développé une insuffisance cardiaque congestive et un rythme cardiaque anormal lorsqu’on leur donnait beaucoup de nourriture. Étant donné le risque de décès, cela n’a jamais été étudié (et ne devrait jamais l’être) dans le cadre d’un essai contrôlé randomisé. Mais cela implique clairement des changements rapides de fluides et d’électrolytes / minéraux avec le mouvement des protéines et du glycogène dans les cellules, ainsi que l’inversement de la natriurèse du jeûne. On suppose que le syndrome de réalimentation a été la cause du décès de la chanteuse Karen Carpenter en 1983, qui est décédée après avoir été admise à l’hôpital à cause d’une perte de tissu maigre due à une anorexie mentale. Il a également été signalé chez de nombreux patients hospitalisés souffrant de malnutrition et réalimentés par voie intraveineuse.

Les conditions spécifiques pouvant conduire au syndrome de réalimentation ne sont pas bien définies, mais les restrictions alimentaires chroniques et des périodes de jeûne supérieures à un jour ou deux constituent des préoccupations importantes. Les maladies chroniques ou les médicaments qui causent la fuite des minéraux (par exemple un diabète mal contrôlé ou une utilisation de diurétiques) peuvent également y contribuer.

La meilleure façon de traiter le syndrome de réalimentation est de prévenir sa survenue. Cela implique de consommer une alimentation adéquate en minéraux essentiels lors d’un régime, tout en évitant les fortes variations des apports en énergie et en éléments nutritifs, surtout au moment où l’on perd du poids. Nous savons également que rompre la cétose nutritionnelle avec beaucoup de glucides peut entraîner une rétention d’eau importante, ainsi qu’un transfert de potassium, de magnésium et de phosphore dans les cellules (les caractéristiques du syndrome de réalimentation). Ainsi, lorsque vous ajoutez des glucides dans votre alimentation, il est préférable de le faire avec modération. Mais plus important encore, pourquoi s’exposer à ce problème en créant d’abord des carences en protéines et en minéraux induites par le jeûne ?

Conclusions

  1. La pratique actuelle du jeûne intermittent a progressé plus rapidement que les données publiées chez l’humain pour étayer son utilisation, en particulier pour le contrôle du poids et la promotion de la cétose nutritionnelle.
  2. Il est fort possible que les pertes de tissus maigres deviennent importantes lorsque les jours de jeûne complet sont plus fréquents qu’une ou deux fois par semaine (et cette précaution peut s’appliquer également au taux métabolique au repos).
  3. Les médicaments pour le diabète et l’hypertension artérielle nécessitent une prise en charge rapide et experte lorsqu’on entreprend un jeûne de plus de 24 heures. Une gestion inappropriée de traitements médicaux implique des risques importants pour la santé.
  4. Plutôt que de poursuivre une perte de poids rapide en jeûnant – même si c’est simplement « un jeune intermittent », il est préférable d’adopter une vision à long terme et d’éviter de faire des choses qui peuvent compromettre les tissus maigres et leurs fonctions. Une bonne santé est définie par l’état où vous serez dans un an ou dans une décennie, et non dans une semaine ou dans un mois.

Dr. Phinney au sujet du jeûne :

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29 réponses sur « Jeûner ou ne pas jeûner : Quels sont les risques du jeûne ? »

Si tu as lu la Céto-Academy, tu sais déjà ce que ça fait sur la synthèse des tissus par exemple, si non-fractionnement des apports de protéines. Virta travaille sur l’inversion du diabète, et dans 90% des cas il y a surpoids, c’est tout l’objet de cet article. j’ai en stock plus de 2000 articles à faire traduire et plus de 1000 vidéos d’une heure. Le jour ou il y aura suffisamment de membres sur le site pour couvrir l’emploi de 4 traducteurs à temps plein, il y aura 4 publications tous les jours et donc probablement une spécifiquement pour toi. 🙂 mais c’est loin d’être le cas…

Merci infiniment Ulrich pour cet article. Je m’intéresse au jeûne depuis 4 ans, j’ai beaucoup lu mais les auteurs sont majoritairement partiaux : soit ils déglinguent le jeûne sous toutes ses formes, soit ils le louent en occultant des aspects cruciaux… Même si avec un peu de recul et une bonne dose de physiologie, certains questionnements m’apparaissaient évidents, ton article confirme pas mal (la plupart) de(s) points… Je voulais jeûner en cette fin d’année car j’ai plein de petits trucs qui ne vont pas en ce moment… mais quand je stresse je fonds et je perds du muscle alors il vaut mieux que je regarde encore plus le contenu de mon assiette et que je profite des 8 jours de vacances que je vais avoir enfin (je n’ai pas pris + de 5 jours d’affilée depuis janvier 2018…) pour me reposer et faire une renforcement musculaire intelligent… Merci encore Ulrich et bonnes fêtes de fin d’année à tous les 2 !

Il me semble, en tout cas c’est l’impression que j’ai, que le jeûne s’adresse avant tout aux personnes en état d’obésité morbide et qui souffrent d’insulino-dépendance. Le jeûne aurait donc un effet intéressant pour revenir sur un métabolisme plus sain, en mettant au repos le pancréas, l’insuline et en favorisant l’amorce d’une perte de poids.

Je continue à me questionner sur les bienfaits chez un sujet sain et sans problématique ni métabolique, ni de santé, ni en surpoids.
Si on n’a pas faim, pourquoi ne pas sauter un repas, mais en revanche se forcer à jeûner alors qu’on a faim est contre-productif. Puisque cela envoie des messages contraires au cerveau et on risque la carence (pour moi la faim est la sonnette d’alarme du corps qui communique pour dire : “envoie moi des nutriments, je manque d’un truc !” et souvent les envies liées à la faim correspondent aux manques en question. Ex : j’ai envie d’un steak juteux (j’ai éventuellement besoin de protéines)

“Le jeûne aurait donc un effet intéressant pour revenir sur un métabolisme plus sain, en mettant au repos le pancréas, l’insuline et en favorisant l’amorce d’une perte de poids” >>> exactement ce que fait un régime cétogène bien formulé. (rappelons qu’en milieu clinique il a été mis au point pour mimer les effets du jeûne qui n’est pas tenable dans le temps.

Comme je l’ai toujours dit, partout, il est contreproductif de poursuivre 2 objectifs. Le jeûne offre des avantages associés a ses inconvénients. Si l’on souhaite perdre du poids, on cherche à perdre de la masse grasse, pas sa masse maigre. Si l’on combat une maladie grâce à une forme de jeûne, la perte de masse maigre passera au second plan, l’objectif est la survie et la guérison.
L’autophagie elle se fait déjà tous les jours dans le recyclage des protéines. Sauf si tu es culturiste et que tu prends 9 apports de protéines de 6h du matin à 22h30. Le culturiste aussi il ne poursuit qu’un seul objectif : la prise de masse maigre ? pas la santé ni la longévité…

Petite question toute bête (pardon par avance) : boire le matin un café “gras” avec huile de coco et un peu de crème ou de beurre, est-ce considéré comme un repas ou non ?
Ceci pour savoir comment je peux estimer mes fourchettes d’heures entre les repas.
Vraiment désolée si mon interrogation est stupide mais je préfère la poser ici… Merci 🙂

Si vous êtes un athlète qui cherche à performer, l’apport en énergie d’un café gras pourra s’inscrire dans un stratégie intéressante. Si c’est pour la perte de poids, il est inutile. La notion de “repas” est souvent floue, mais avec un café gras il y a bien apport d’énergie.

J ai quand même une petite interrogation: la ceto académie dit clairement qu un jeune intermittent pour une personne en cétose ne provoque pas de baisse du métabolisme de base, et cet article est plus nuancé, même si le sujet est abordé sur une phrase. Est ce que pour une personne en cétose depuis longtemps qui fait un jeune intermittent (1 repas par jour) en tire un bénéfice, particulièrement sur la perte de poids à long terme? Ou alors est ce que la perte de poids s arrête rapidement et affecté, même de façon plus nuancée, le métabolisme de base?

@julienstoessel je sais que tu as été un lecteur attentif de la Céto-Academy.
Tu comprendras donc qu’il n’existe pas de réponse simple à ta question, il n’existe pas d’un coté le blanc et de l’autre le noir.
Si tu as lu la leçon sur le fractionnement des apports de protéines, tu as compris qu’entre un apport de protéines par jour ou 3, le résultat n’est pas du tout le même. Perdre du poids est très facile. Perdre de la masse grasse en préservant sa masse maigre nécessite d’être plus précis dans ses actions.
Le jeûne intermittent offrira un ratio positif (avantage / désavantage) pour certaines personnes, dans certains cas, mais pas à d’autres. Il faut vraiment ne jamais quitter son objectif des yeux, pour ensuite décider des outils à utiliser.

Bonjour, j’aurais une question :
– soit dit en passant, je sais que vous n’aimez pas qu’on vous demande votre avis ; je regrette mais c’est ma méthode à moi qui ne suis pas un geek comme vous de juger de la fiabilité d’une information : comparer puis confronter les points de vue (gageons que c’est mieux que rien), c’est la raison pour laquelle j’éprouve beaucoup de gratitude envers les gens qui font votre travail, qui est d’autant plus utile qu’il est totalement utopique de s’imaginer que tout le monde se mettra un jour à éplucher individuellement les études scientifiques, même si je trouve qu’en ce sens des gens comme Renata Barcelos font également un travail formidable, bref, je ne vous ai jamais repproché de ne pas me répondre de toute façon… ^^ –
Je pratique la musculation chez moi trois fois par semaine ainsi que le jeûne alterné (3 jeûnes de 36 heures par semaine avec un apport conséquent en protéines et électrolytes) ; si je parviens à prendre ne serait-ce qu’un peu de muscle (et je dis bien de muscle, pas de force) est-ce que cela pourrait être un bon indicateur selon vous que la masse maigre constituant mes organes vitaux ne serait pas impactée ou bien serait-il tout à fait envisageable au contraire que l’hypertrophie musculaire se produise au détriments d’autres organes plus importants (je trouverais cela surprenant mais bon).
Merci beaucoup, belle journée.

bonjour @elrhim
Je dois avouer ne pas être certain de bien saisir la question.
Si je comprends bien, il serait question d’anabolisme musculaire au détriment des organes ? est-ce bien ça ?
Je ne vois pas comment ce serait possible… le corps ne déconstruit pas de tissus d’un coté pour en construire spécifiquement ailleurs dans ce cas présent.
Il ne faut pas non plus vouloir rendre complexe ce qui est plutôt simple. Où le corps à suffisamment de nutriments pour l’anabolisme, ou pas et c’est alors un catabolisme.
Du moment que l’effort est correctement construit pour l’anabolisme, et que les nutriments sont là (macro / micronutriments), il n’y a pas de raison que le signal envoyé durant l’effort, induisant une hypertrophie musculaire, ne soit pas suivi d’effet si les nutriments sont présent (juste avant, pendant ou juste après l’effort)… ça répond à la question ?

Bonsoir,
Personnellement, l’ alimentation cétogène ne me fait pas perdre de poids et je continue à grossir autant que lorsque je mangeais des glucides. Mes analyses sanguines ne présentent aucune anomalie, et une visite chez l’endocrinologue a confirmé une très légère hypothyroïdie et des nodules bénins, sans besoin de recourir au lévothyrox. J’ai donc commencé il y a quelques jours, des petites périodes de jeûne complet, alternées avec des jeûnes intermittents. Mon poids a commencé à descendre. Je me suis documentée avec le livre du docteur Jason Fung. Celui-ci explique, à l’aide de schémas et d’articles scientifiques, comment on ne perd pas de masse maigre ni de muscles, et à quel point on devrait pratiquer le jeûne pour éviter les problèmes d’obésité et de maladies de notre siècle. Du coup… Je vous avoue que je ne sais plus que penser ni à quel saint me vouer. Je précise que je ne suis pas obèse mais dans la limite supérieure du surpoids 1m59 et 66kgs.

Il y a des gens qui utilisent des jeûnes très prolongés comme une solution extrême comme des cancers (quand on n’a rien à perdre). Je sais que ça relève d’un avis médical impossible ici mais l’article donne déjà une réponse partielle. Une alimentation céto parfaitement calibrée pour l’objectif doit produire des effets similaires, en particulier l’autophagie.

Si vous voulez vraiment vérifier, faites une mesure de l’urée sur la totalité de vos urines durant la période de jeûne, vous saurez précisément la masse maigre perdue, pas de mystère.
C’est encore plus important chez une personne qui est un mauvais bruleur de gras (high carb) et qui fait du jeune, et qui perdra plus de masse maigre qu’une personne en cétogène depuis longtemps.

Bonjour,
en alimentation cétogène, mon objectif étant d’inverser une stéatose hépatique avec début de fibrose, un jeune hydrique de 3 jours tous les mois est il pertinent pour renforcer l’autophagie (tout en acceptant une perte de masse maigre) ou est ce plus pertinent de ne pas faire de jeûne et de poursuivre tranquillement l’alimentation cétogène et de laisser faire mon corps ? (je ne suis plus en surpoids et ma glycémie à jeun stable à 75 et cétones à 2,0).

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